Une musique de femme ? L’idée n’a guère de sens quand on écoute celle d’Hélène de Montgeroult (1764-1836). Pas plus que pour Mozart et Beethoven, ses contemporains, ou Schubert, Mendelssohn, Chopin ou Schumann, ses successeurs à qui on l’a comparée, le genre ne peut prétendre enfermer un génie créateur.
« Étude n° 110, aussi émouvante qu'un adagio beethovenien »
Sylviane Falcinelli, L’Éducation musicale« Il y a du Schubert, façon Impromptu dans l'Etude n°62 »
Marc Vignal, Le Monde de la musique« Elle affirme une intuition déjà préromantique qui regarde vers Schumann et Chopin, parfaite émule de Beethoven, sœur de Schubert »
Camille de Joyeuse, Classiquenews
« Les dix Etudes et la Fantaisie qui l'accompagnent annoncent les pages équivalentes de Schumann ou Chopin »
Jean-Luc Macia, La Croix« On entend clairement qu’Hélène de Montgeroult est une artiste de premier plan »
Jacques Bonnaure, Classica Répertoire
En revanche sa vie et sa carrière sont très marquées par les contraintes du genre et de la condition sociale. Pas question pour une marquise de donner de concerts publics : c’est une obligation sociale. Accepter d’être réquisitionnée et d’enseigner au Conservatoire ? C’est aussi une obligation quand, en 1794, on veut sauver sa vie. Rendre publiques ses œuvres en les faisant éditer, à partir de 1795 ? Là, c’est un choix, comme c’est aussi un choix de critiquer le mode d’enseignement du conservatoire trop fondé sur la force, la vitesse et la multiplication des effets faciles. Les options esthétiques d’Hélène de Montgeroult, aux antipodes de ces valeurs du « commerce de la virtuosité », sont intériorité, expression, respect et découverte des « anciens auteurs » comme Jean-Sébastien Bach ou Scarlatti, pourtant si méconnus en 1800. C’est ainsi qu’elle va être réellement originale et éviter les écueils des modes éphémères. Pas de titres suggestifs, pas d’effets descriptifs, refus de l’accroche commerciale. C’est de l’ordre du choix personnel, si cohérent par rapport au parcours tumultueux de sa vie : avoir connu la prison et n’avoir dû qu’à son piano de sauver sa tête enlève sans doute tout souci de paraître. La musique devient dès lors un parcours intérieur fait d’émotion, de méditation, de couleur et de sensation, qui la destine au cercle des proches plus que des foules dont, comme Chopin, elle n’a que faire.
Il ne faut pas moins de 700 pages de Cours complet pour de transmettre cette passion. Il est bon de reconnaître l’importance du travail « mécanique », à condition qu’il ait du sens, en émotion et en expression, parce que celle-ci « peut être étendue ou modifiée à l’infini ». C’est pourquoi sa musique touche au cœur. Et pour nous, aujourd’hui, c’est ce qui reste.L’alliance qu’il faut établir entre l’exécution purement mécanique, et l’expression qui est l’organe des sensations de celui qui joue ; cet art de faire exprimer par les doigts les émotions que l’âme éprouve, nécessite des réflexions multipliées.
Montgeroult, Cours complet